Voici un conte fait de musique, de danse et de fées dans les eaux du Grand Etang de la Jemaye, situé dans la magnifique forêt ancestrale de la Double...
Un samedi soir, un garçon nommé Pierrille, après avoir fait danser une noce au son de l’accordéon, la tête un peu échauffée, paria avec ses compères qu’il irait aussi faire danser les fées qui se réunissaient souvent au bord de l’étang de la Jemaye. Il se dirigea à pied, plein de confiance, vers le lac des fées.
Jamais Pierrille n’avait cru aux fées. Il était presque minuit, et il ressentit au fond de lui une crainte un peu étrange. Au clair de lune, il voit, sur la berge de sable, une vingtaine d’êtres aériens, tous vêtus de blanc, dansant en se tenant par la main.
Le spectacle était si surprenant que Pierrille s’approcha pour mieux voir sous le couvert des arbres. Elles étaient toutes plus belles les unes que les autres. Soudain, la ronde s’arrêta ; deux fées rompirent la chaîne et firent signe au garçon de venir prendre la place laissée pour lui. Pierrille se précipita et saisit les mains de ses belles voisines. Aussitôt, la ronde reprit avec rapidité. Elle virevolta autour des arbres noirs, voleta au-dessus du lac et les forces du garçon s’épuisèrent progressivement.
Ambiance de brume dans les eaux magiques ?
Bientôt, il tomba à terre. Mais les fées lui redonnèrent des forces en lui offrant du miel.
« C’est à mon tour de vous faire danser » dit-il.
Aux premières notes d’accordéon les fées furent surprises. Elles ne savaient pas comment danser au son de cette musique. Elles l’écoutèrent cependant avec attention. Il ne s’arrêta pas. Il joua les plus beaux airs qu’il connaissait, les plus belles farandoles, les cabrettes les plus endiablées, les valses les plus folles.
La nuit passa. La lune se refléta dans le lac. Les fées une à une se retirèrent mystérieusement dans la forêt. Pierrille continua pourtant. Bientôt, une légère brume s’éleva du lac. Il crut que les fées revenaient vers lui, qu’elles dansaient encore pour lui. Alors sa musique devint encore plus belle ; jamais il n’avait joué d’aussi étranges mélodies, des notes aussi extraordinaires.
Aux abords de la Jemaye
Mais est-ce bien les fées qui l’entourèrent ? Pierrille ne savait plus ce qu’il faisait. Il joua, il joua et jamais il ne s’arrêta. Ce fut le brouillard du matin qui vint le frôler. Il crut voir une fée qui faisait signe d’aller avec elle, légère et blanche, si légère qu’elle ne touchait pas la terre. Il se précipita, lui parla doucement ; il lui dit qu’il était amoureux.
Il finit par la toucher, mais ce n’était qu’une vapeur ; quelques gouttes, comme des larmes, lui glissèrent sur les mains. Il n’eut pas le moyen de la saisir, de la serrer dans ses bras.
Pierrille la poursuivit encore. Elle courait maintenant sur la lande, "plus jamais il ne la quitterait", lui dit-il dans un souffle. Alors la fée se laissa attraper et Pierrille fut entouré par une brume plus épaisse et disparut au regard des hommes.
C’est ainsi que les fées embrassent ceux qu’elles aiment… Parfois l’on entend, au loin, dans les coins les plus reculés de la Jemaye, une petite musique pleine de fantaisie et de limpidité. On dit que c’est Pierrille qui fait danser les fées.