Musicien, chanteur, nouvelliste, mais aussi journaliste et fervent défenseur de la culture occitane, Jean Bonnefon est avant tout un enfant de la vallée de la Dordogne, cette « terre d'enchantement », dont parlait Henri Miller, berceau et refuge des poètes depuis la nuit des temps.
Véritable pays de Cocagne, la vallée de la Dordogne abrite une longue tradition artistique, depuis les hommes de Cro Magnon, aux troubadours du Moyen Âge, en passant par Montaigne et la Boétie ou encore l’architecte Jean Nouvel.
La vallée de la Dordogne, je ne m’en lasse pas ! C’est un endroit éternel. Un des rares endroits où la trace de l’homme est constante depuis la préhistoire. Un endroit de douceur et de mesure. La terre de Montaigne, de Fénelon et de La Boétie. La terre des hommes de raison. Ici se croisent le 45e parallèle et le méridien de Greenwich, nous sommes sur une terre d’équilibre », confie Jean Bonnefon.
Mais la vallée de la Dordogne, c’est aussi la terre de Jean Bonnefon. Une terre qu’il aime par-dessus tout. Une terre qu’il a sillonnée dans tous les sens au fil de ses tournées musicales ou de ses reportages, qu’il chante en occitan et qu’il a racontée dans ses chroniques pour la radio ou la télé. Une terre dont il connaît chaque homme, chaque bastide, chaque château, et avec laquelle il fait corps, à tel point que son ami Francis Cabrel tente de le cerner ainsi : « Résolu mais ouvert aux autres, obstiné mais souriant et fraternel, vert et profond comme la Dordogne. »
Car, à l’image des méandres de la Dordogne, la vie de Jean Bonnefon a pris mille bifurcations. Né en 1950 à Bergerac, il a grandi dans les ruelles de l’élégante Sarlat. Et si à 15 ans il avait pour seule ambition de « faire l’artiste », cinquante ans plus tard, il est chanteur, auteur-compositeur, guitariste, conteur mais aussi nouvelliste et journaliste. À la fois « touche-à-tout perfectionniste » et « homme-orchestre », selon sa biographe, Catherine Rebeyrotte.
« À 20 ans, après Mai 68, j’ai été littéralement percuté par la culture occitane sur le plateau du Larzac, grâce au poète Claude Marti. Cette langue, l’occitan, on en parlait alors comme d’un patois. C’était la langue de mes grands-parents. J’ai compris que c’était aussi la langue des troubadours. La langue d’une culture millénaire parlée dans les grandes cours d’Europe et qu’il était urgent de défendre parce qu’elle était menacée», raconte Jean Bonnefon.
Oscillant entre Brassens et la culture rock des années 60 et 70, Jean Bonnefon, qui joue déjà de la guitare, fonde avec ses complices de toujours, Patrick Salinié et Jean-Louis Garrigue, le groupe Peiraguda, « un nom qui sonne un peu comme “Périgord”, qui évoque aussi la pierre pointue, le silex des hommes de la préhistoire ». Désormais, il écrira ses chansons en occitan « pour fouiller l’histoire de France et défendre [s]es racines, indispensables pour se construire et s’ouvrir au monde. Car les racines sont une base, pas un repli », assure-t-il. À l’époque, il écume les scènes de la région et anime une émission de chanson sur la radio libre de Sarlat. Une poignée d’années plus tard, la gauche arrive au pouvoir et libère les ondes. Radio France Périgord est la troisième radio locale. Jean Bonnefon intègre la maison comme animateur d’abord puis comme journaliste avant d’en prendre la direction en 1996. « J’y animais des émissions de culture locale, allais à la rencontre des gens d’ici pour raconter ce mélange de ruralité, d’architecture grandiose et d’histoire qui compose l’identité du territoire », dit-il encore.
Entre-temps, Jean Bonnefon est aussi devenu directeur du centre culturel de Sarlat, continue de chanter et de composer. Puis plaque tout pour fonder Aqui TV, une télé périgourdine, proche du terrain et de ses habitants, « une des plus belles aventures de [s]a vie ».
Aujourd’hui, Jean Bonnefon continue de ferrailler pour la culture et de porter loin les couleurs du Périgord. Président de l’association Voix du Sud, fondée par Cabrel, il défend et accompagne les auteurs-compositeurs, mais joue aussi plusieurs spectacles : « Y a pas que le rugby », avec son ami Daniel Chavaroche, qui mêle chanson française et chanson occitane, ou encore « L’Affaire Brassens ». Il a fêté il y a peu les 40 ans de Peiraguda, accompagné par Cabrel et Jan de Nadau, sur la scène du théâtre de Sarlat. Et a aussi publié un recueil de nouvelles, « Des nouvelles du temps ». Car le temps qui passe reste une de ses grandes affaires. Pour ce fils de la Dordogne, qui a poussé dans le berceau des poètes, l’éternité galope sur les parois des grottes.